Portrait d’artisane : Lamaro, maroquinerie d’art
Un très beau portrait d’artisane d’art aujourd’hui, dans le merveilleux univers de la maroquinerie d’art haute couture : je vous présente le splendide travail de Joanna, qui présente son talent sous sa marque, Lamaro. J’ai eu le plaisir de découvrir son savoir-faire unique durant les JEMA 2023 et d’approcher de près le résultat de son travail, qui m’a fait fort envie ! Elle a eu la gentillesse de m’expliquer et de me faire démonstration de ce qu’était exactement “la couture sellier” pratiquée par Hermès et quelques rares artisans en France. C’est fascinant à observer : c’est LA couture la plus solide qui existe, mais vous apprendrez qu’elle n’est pas du tout reproduisible par une machine. Un savoir-faire d’exception, vous en conviendrez…
C’est cette technique bien particulière et d’une haute précision, que maitrise Joanna à la perfection. Elle l’utilise ainsi sur toutes ses pièces, du porte-clef au sac en cuir en passant par le portefeuille et travaille en conscience chacune des réalisations sorties de l’atelier. Un style graphique, aux lignes pures et élégantes prend vie sous ses doigts, dextérité du fil et de la découpe du cuir revalorisé. Je suis fascinée par son domaine et son talent car, contrairement au tissage où il est possible de faire et défaire, ici, pas le droit à l’erreur !
C’est désormais dans son atelier marseillais que vous pouvez la rencontrer, elle vous présentera sa dernière collection dont voici les premières photos – et surtout son intérêt pour la Mode avec un grand M., sa passion vive et son enthousiasme. A défaut d’être dans le Sud, vous pourrez voir bon nombre de ses réalisations sur son compte instagram.
Bonne découverte 🙂
Bonjour Joanna !
Avant toute chose, pourrais-tu te présenter pour celles et ceux qui te découvrent ?
Je m’appelle Joanna, j’ai 31 ans. J’ai créé la marque Lamaro en 2019 après avoir fait un CAP en Sellerie Maroquinerie d’Art. Je fabrique aujourd’hui toutes mes créations dans mon atelier situé à Marseille en respectant le savoir-faire artisanal que j’ai acquis lors de ma formation. Je m’efforce de valoriser et de mettre en avant jour après jour ces pratiques.
Comment as-tu découvert cette fibre artistique et manuelle qui sommeillait en toi ? Comment s’est-elle révélée ?
Depuis petite j’ai toujours aimé créer des choses. Je me souviens encore de l’époque où je fabriquais des bijoux en perles Swarovski que je vendais aux amies de ma mère. Ou bien ma période scrapbooking lorsque je fabriquais des albums photos pour mes proches. Néanmoins, à l’école j’avais plutôt un profil scientifique. Je ne me suis jamais considérée comme « créative » ou en tout cas ce n’était pas dans ma tête un choix de carrière.
C’est après des études tournées vers le commerce, que je me suis spécialisée en Master Métiers de la Mode et du Textile. La mode est quelque chose qui m’a toujours fascinée : la mode en tant qu’art, l’histoire de la mode, comment la mode est le reflet de la société et également un moyen d’expression pour chaque individu. J’ai également toujours été attirée par le produit de mode en lui-même. Les « fringues » comme on dit, mais encore une fois je ne m’étais jamais imaginée designer ou styliste. Mon but à l’époque était de devenir chef de produit ! Tout en gardant dans un coin de ma tête, qu’un jour j’aimerais créer ma propre marque.
Après mon master, quelques désillusions professionnelles et le manque d’opportunité m’ont fait accélérer mes projets. L’idée de la maroquinerie est venue très naturellement. J’ai toujours été une mordue de sacs, qui est pour moi l’accessoire ultime pour parfaire une tenue. J’ai donc postulé au CAP Sellerie Maroquinerie d’art de l’école Boudard. Les tests pratiques de sélection ont été une révélation pour moi ! Je suis tombée amoureuse de ce savoir-faire et de cette incroyable matière qu’est le cuir. J’ai passé 9 mois de formation à ne faire que de la pratique. Jour après jour, fabriquer des objets de mes mains, un vrai bonheur !
Pour ce portrait d’artisane, pourrais-tu nous parler de tes inspirations ?
J’ai tendance à penser que je m’inspire de tout ce que je vois sans vraiment m’en rendre compte. Je regarde beaucoup de choses, les magasines, les défilés bien sûr, les livres d’histoire de la mode. Je regarde également beaucoup de films et je suis toujours attentive aux costumes. Quand je voyage j’aime visiter les musées, les monuments, le détail d’une mosaïque sur le sol d’une église peut-être une source d’inspiration
Pour ce qui est de mes créations, et d’ailleurs dans la vie en général, j’aime plutôt les choses minimalistes, les lignes franches et pures. Je n’aime pas trop les fioritures, je pense que cela se ressent dans mes modèles. Cela ne m’empêche pas de chercher des formes qui sortent de l’ordinaire. J’aime jouer avec l’asymétrie et c’est évidemment sur l’association des cuirs et des couleurs que je m’amuse beaucoup pour créer des pièces uniques.
Tu réalises des pièces de haute maroquinerie, pourrais-tu expliquer ce dont il s’agit pour les néophytes que nous sommes ?
Le terme de haute-maroquinerie peut être parfois un peu galvaudé. Je vois beaucoup de marques de maroquinerie l’utiliser, on ne sait plus vraiment ce que cela veut dire. Pour ma part, je cela correspond à une pièce qui a été réalisée à la main en quantité limitée, en utilisant des savoir-faire et des matériaux d’exception. Sans parler d’apporter un soin infini aux finitions, évidemment.
Les trois principales caractéristiques des pièces Lamaro en terme de fabrication sont :
- La couture sellier : c’est la couture la plus solide en maroquinerie qui ne peut être réalisée qu’à la main avec du fil de lin.
- L’astiquage des tranches : les tranches sont entièrement teintées à la main avec le plus grand soin pour une longévité optimale.
- Le travail des doublures : toute les pièces sont doublées de cuir pour des objets « aussi beaux à l’intérieur qu’à l’extérieur »
Pour ce qui est des cuirs, je me fournis auprès des stocks dormants de l’industrie française du luxe. Mes cuirs sont au mieux français, sinon européens (Italie, Espagne, Belgique) ce qui assure la qualité et le respect des normes REACH dans leur fabrication, en plus d’être issus de l’upcycling.
Comment se passe ton parcours créatif : comment sélectionnes-tu les différentes peaux que tu utilises par exemple ? Pourrais-tu nous parler de ta démarche ?
Pour ce qui est de la création des modèles, j’ai toujours en tête le produit fini de manière bien précise dès le départ. Parfois je sais d’où m’est venue l’idée, parfois non. Le modèle Dreamy, par exemple, porte son nom car je l’ai vu dans un rêve. J’ai surement été inspirée par quelque chose en étant éveillée mais impossible de savoir par quoi !
Ensuite, comme je ne sais pas dessiner, je fais un croquis très simple du modèle que j’ai en tête. Je fais tout de suite un premier patronage à plat. À partir de ce patronage je fais un premier prototype, avec des chutes de cuir, sans doublures et sans finition. Parfois même à une échelle plus petite ! Cela me permet de voir si les proportions fonctionnent. Puis, je fais tous les changements nécessaires pour réaliser un deuxième prototype, cette fois-ci qui se rapproche au maximum du produit final. À partir de là, je rectifie les derniers détails s’il y en a. Je peux enfin réaliser le patronage qui me servira à la production.
Pour ce qui est de la sélection des cuirs, et la création des collections capsules ? Encore une fois il n’y a pas vraiment de règle et tout peut être source d’inspiration. Cela peut partir d’une matière que j’ai envie de travailler : cela a été le cas avec le cuir de saumon. Je peux partir d’un tableau, d’un détail architectural, d’un paysage ou d’une photo. Des fois c’est le cuir qui m’inspire le thème… Et parfois j’ai le thème couleur bien en tête et je trouve chez mon fournisseurs des cuirs qui correspondent. Le fait d’utiliser des stocks dormants est également une contrainte qui fait travailler la créativité ! Je dois me contenter de ce qui est disponible, c’est aussi un challenge.
Quel est le meilleur conseil que tu aies jamais reçu et que tu transmettrais volontiers à celles & ceux qui nous lisent ?
Premièrement, il est très important d’avoir des bonnes bases techniques pour apprendre à créer des produits de grande qualité, qui vont durer dans le temps.
Deuxièmement, il faut aussi savoir s’affranchir des techniques traditionnelles pour développer ses propres techniques. Ce n’est pas parce qu’on a appris une certaine manière de faire qu’il n’en existe pas d’autres. Cela permet aussi d’être plus créatif, d’aller plus loin, de développer son propre style sans se mettre de barrières.
Avec ton expérience passée, quelle est la chose dont tu es la plus fière ?
Je pense que ma plus grande fierté est de valoriser un savoir-faire qui est de moins en moins utilisé. Aujourd’hui il n’y a, en France, plus que la maison Hermès qui continue de fabriquer ces sacs les plus iconiques en partie au point sellier. Ainsi que quelques artisans d’art comme moi.
Dans un monde où on tire toujours les coûts de production au plus bas, le savoir-faire a finalement moins de valeur que le nom que l’on va apposer sur le produit fini. Je suis vraiment fière de faire perdurer et, à mon échelle, de faire connaitre ce savoir-faire d’exception qu’on m’a transmis. Cela me permet de proposer des objets de la plus grande qualité possible.
Enfin, aurais-tu un prochain projet à nous partager ?
En vérité, il va y avoir beaucoup de changement chez Lamaro dans les prochains mois. Je viens d’ailleurs d’intégrer un atelier boutique à Marseille (76 rue du Camas dans le 5e arrondissement). Vous pouvez à présent venir découvrir mes créations sur place ou choisir vos cuirs pour la création d’une pièce personnalisée. Je suis également en phase d’opérer un changement d’identité, avec notamment un nouveau logo. Il annonce l’entrée de Lamaro dans une nouvelle ère, de nouveaux projets à venir. C’est également pour cela que je recherche de nouveaux partenaires pour y diffuser mes réalisations (concept store de luxe, boutique d’hôtel etc.) Contactez-moi !
Grand merci pour tes réponses Joanna, et à très bientôt !
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