portrait de créatrice : MARION ROMAIN
Un portrait de créatrice doux et très inspirant, sincère et tout en délicatesse… Vous m’en attendiez par moins, j’en suis certaine, à la lecture du portrait de Marion Romain, de retrouver ces émotions.
J’ai découvert moi-même le travail de Marion sur instagram et je dois avouer que j’ai beaucoup aimé l’ambiance de ses œuvres, ainsi que les touches de fleurs et de tendresse qui se dégagent de son travail de brodeuse.
La broderie et moi sommes de mauvaises compagnes, j’en suis d’autant plus fascinée de plonger dans cet univers poétique et minutieux… Je suis donc avec bonheur les retours de visites de musées, de découvertes de peintres et autres photographes, sur son réseau social et je suis certaine que vous vous laisserez séduire. Si vous la découvrez à cette occasion, vous pouvez lever le voile sur le travail de Marion via son site internet ou via sa boutique Etsy juste ici.
Je remercie Marion qui a eu l’extrême gentillesse de prendre le temps de me répondre et je suis très heureuse de vous partager son portrait, qui ne manquera pas de vous donner envie de vous lancer ! Dans la broderie… mais pas que 🙂
Bonjour Marion !
Qui es-tu : pourrais-tu te présenter pour les celles et ceux qui ne te connaitraient pas ?
Je m’appelle Marion, je suis Finistérienne, très attachée aux paysages bretons, qui m’inspirent toujours beaucoup. Sur la toile, on me connaît sous le nom de « Marion Romain », qui est devenu comme un avatar artistique, « Romain » étant l’anagramme de mon prénom. C’est sous cette casquette que je développe aujourd’hui mon univers créatif à travers le dessin brodé, la linogravure, la photographie, et que je suis également amenée à collaborer en tant que créatrice de contenu.
Comment as-tu découvert cette fibre créative qui sommeillait en toi, comment s’est-elle révélée ?
J’ai toujours aimé créer des choses avec des bouts de ficelle depuis mon enfance. Mes livres préférés étaient les « livres d’activités pour les jours de pluie », dans lesquels je trouvais toujours de quoi étoffer mes idées en matière de petits bonshommes fabriqués en coquillages, de bricolages à partir de boites à œufs, de déguisements en cartons d’emballage… Je créais des choses à l’intérieur de la maison, je créais des choses dehors – les tipis en branchages ayant ma préférence (!). J’aimais « faire des bricolages » et inventer des histoires.
Que trouves-tu de spécial dans ton domaine de prédilection qu’est la broderie ? Comment cette spécialité s’est imposée à toi ? Tu proposes également de jolis kits, avec des modèles à reproduire, mais également de la linogravure. Le trait semble faire partie de toi.
Je conçois la création comme un tout. Elle peut prendre différents chemins pour s’exprimer – celui que j’emprunte principalement aujourd’hui est celui de la broderie et de la linogravure effectivement – mais elle peut aussi se réinventer sans cesse. Je suis venue à la broderie par un hasard heureux, tandis que je (me) cherchais le médium le plus en phase avec ce que j’avais envie d’exprimer à travers mes créations. A l’époque je venais d’achever mes études, et après avoir considéré la possibilité d’en reprendre de nouvelles, j’actais finalement le fait que je mènerais pas d’études artistiques. J’ai ouvert un blog comme pour mieux accepter ce « marché » conclu avec moi-même. C’est un espace que je considérais comme mon laboratoire d’explorations créatives : si je ne menais finalement pas d’études d’Art, alors je serais créative au centuple sur mon temps libre. J’y écrivais, j’y partageais des photos, j’inventais des morceaux d’histoire autour de personnages que j’illustrais de mes tout petits balbutiements de l’époque en matière de dessin numérique. Je dessinais, je peignais, j’allais aux cours du soir des Beaux Arts (une autre part du « marché »), mais je cherchais toujours « mon » médium de prédilection.
Il se trouve qu’à la même période, ma curiosité m’a poussée à découvrir la broderie traditionnelle bretonne à l’occasion d’une journée d’initiation à l’école de Broderie d’Art de Quimper, dans le Finistère. J’ai perçu tout de suite, au cours de cette journée, que quelque chose germait. J’ai tout aimé de cette technique, son infinie délicatesse, son décalage avec notre époque actuelle – où tout va vite. Cet état de méditation dans lequel elle me plongeait. Surtout, j’ai repensé à mes petits personnages : je n’ai pas tardé à établir des connexions entre la broderie et ces derniers pour raconter des histoires sur le tissu.
Aujourd’hui, pour ce qui concerne la broderie, je travaille aussi bien sur des pièces finies, des réalisations sur mesure, que sur des modèles à reproduire soi-même. Je les propose sous forme téléchargeable ou de kits de broderie.
Avant de donner plus de place à cette activité artistique et créative, quel a été ton parcours scolaire, ton parcours de vie ? Te prédestinais-tu à cette vie d’entrepreneuse ?
Adolescente, j’avais créé mon « entreprise » de bijoux en perles de rocaille, dont les seules clientes étaient mes sœurs, plus âgées que moi. J’avais pensé à tout, jusqu’à la carte de visite et la carte de fidélité, j’en étais particulièrement fière. Dois-je pour autant penser que je me prédestinais à une vie d’entrepreneuse ? Ce serait sûrement beaucoup dire !
Je me souviens de rendez-vous avec les conseiller.ères d’orientation, au cours desquels aucune brochure ne me paraissait couvrir l’étendue de ce à quoi j’aspirais. Je décrivais en vain un métier qui me permettrait d’écrire, de dessiner, de créer, de pratiquer la photographie… Un métier fabriqué de différentes composantes dans lequel je n’aurais pas peur de m’ennuyer. On me répondait que je voulais tout et que je voulais trop, que je semblais avoir une personnalité un peu « intense », que c’était bien, qu’il fallait la cultiver, mais que malheureusement ça n’existait pas un métier comme ça. On me suggérait des alternatives qui pour moi n’en étaient pas. J’en ressortais toujours terriblement frustrée.
J’ai rangé ces frustrations en suivant le plus longtemps possible le cadre scolaire qui me réussissait bien, poursuivant des études littéraires en Hypokhâgne et Khâgne. Là-bas, l’exigence du cursus m’a offert l’avantage (et l’inconvénient) de n’avoir plus à penser au choix d’une voie plus précise… pour un temps. J’ai par la suite frôlé l’architecture, le journalisme, pour finalement, sans tellement m’en apercevoir, entrer dans l’Éducation Nationale en devenant professeur pour quelques années.
La vie d’autoentrepreneur.se oblige à être une sorte de mélange entre Shiva et un couteau suisse ! Quels en sont les avantages et les inconvénients selon toi ?
Pour avoir expérimenté le statut de fonctionnaire avant cela, je vois assez bien, par contraste, les avantages et les inconvénients de cette nouvelle voie. Elle m’offre une flexibilité et une certaine mobilité. En effet, selon les périodes et les projets, mon activité peut très bien être menée en dehors de mon atelier. La liberté d’organiser mes journées de travail selon mes besoins, de travailler jusque très tard pour rattraper un rendez-vous pris dans la journée par exemple. Maintenant que je me connais un peu mieux, je me rends compte à quel point ce schéma de vie freelance, par certains aspects, est plutôt en accord avec ma façon de fonctionner.
Il vaut mieux toutefois éviter de le fantasmer comme cela arrive parfois, notamment par l’image que peut en véhiculer les réseaux sociaux. C’est un statut qui expose aussi à toutes les insécurités possibles. Ce qui n’est pas toujours simple à gérer quand on est une personne anxieuse. J’y perçois également une autre difficulté : créer et gérer une entreprise, c’est un peu comme monter dans un train qui ne s’arrête jamais. Un projet ou une priorité en appellera toujours un.e autre. Il faut réussir malgré tout à se ménager des temps de pause, pour se préserver… Je suis toujours en cours d’apprentissage sur ce terrain.
Que retiens-tu de cette expérience et quel est ton prochain challenge ?
J’en retiens beaucoup d’apprentissage par l’expérience. Pour moi qui ai été très scolaire jusqu’à présent, c’est finalement très nouveau de découvrir que bien travailler ne suffit pas forcément, et que parfois il me manque des clés.
Je construis chaque jour de nouvelles compétences. Je tire chaque jour des enseignements en apprenant de mes projets, de mes faux-pas, de mes erreurs. J’en retiens aussi beaucoup de travail, de stress et de fatigue. Mais je me réveille chaque matin impatiente de créer de nouvelles choses.
Le prochain challenge sera d’offrir une nouvelle jeunesse à mon site, qui inclura enfin une boutique en ligne. J’ai envie de réinvestir cet endroit pour en faire un espace inspirant, convaincue que les blogs ne sont pas morts. Je pense arriver aussi à un moment où mon activité mérite de se structurer de façon plus claire autour de ses différents volets. On me présente souvent comme brodeuse, mais je ne me reconnais pas forcément sous cette seule étiquette, qui n’aurait pas lieu d’être sans les autres pièces du puzzle. Tout ce que je souhaite, c’est de pouvoir continuer à raconter. Sous quelque forme que ce soit.
Quelle est ta plus grande fierté ou ta plus grande réussite (une création, une rencontre, un événement de vie…) ?
Ma fierté la plus récente, c’est bien entendu la parution de mon livre, Broderies dessinées, aux Éditions Eyrolles, en mai dernier. C’est un projet sur lequel j’ai travaillé plus d’un an, y consacrant toute cette année particulière que fut 2020. J’ai livré beaucoup de choses dans ces pages, sur la broderie, bien sûr, mais plus largement sur mon rapport à la créativité et à l’inspiration, un aspect qui me tenait très à cœur.
Et puis, aux prémices de tout cela, il y a ma première grande fierté, qui restera d’avoir osé faire ce pas de côté initial. Quand on évolue dans une voie aussi cadrée que celle qui était la mienne, la reconversion paraît souvent être une montagne, a fortiori vers un métier aussi composite et incertain que le mien. C’en était une pour moi. Ce n’est jamais un choix facile (quand on peut se permettre de choisir). Il y avait un peu d’inconscience dans le mien, c’est certain. Pourtant aujourd’hui, même si je suis loin d’avoir trouvé une sérénité sur tous les plans, j’ai gagné cette confiance en la possibilité de me réinventer encore, demain ou plus tard si je le souhaite.
Enfin, quel est le meilleur conseil que tu aies jamais reçu et que tu transmettrais volontiers à celles & ceux qui nous lisent ?
Mon meilleur conseil – et je note immédiatement d’essayer de mieux l’appliquer à moi-même- serait de « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier », c’est-à-dire de diversifier son activité. Il est difficile de ne dépendre que d’une seule source de revenus, car si tout s’arrête, on ne peut compter sur aucun repli. Une activité, quelle qu’elle soit j’en suis sûre, peut et devrait se nourrir de plusieurs pivots. Il faut se poser et réfléchir à ce qu’on aime vraiment, à ce qu’on pourrait développer en parallèle, tout en restant cohérent.e avec son univers créatif.
J’espère que ces quelques mots pourront en tout cas aider les personnes qui liront ce portrait et découvriront peut-être mon travail à cette occasion.
Nul doute que ces mots en inspireront plus d’une… Mille mercis pour tes réponses Marion et à très bientôt =)
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