
Portrait d’artisane : Atelier O’Laine
Portrait Atelier O’Laine
Travailler avec des matières naturelles, du producteur au consommateur ? C’est exactement ce que fait Aleksandra, la fondatrice de l’atelier textile O’Laine.
Elle utilise la laine de son troupeau pour réaliser son linge de maison feutré de façon artisanale. Il n’y a pas plus direct et concret que sa démarche ! Aleksandra travaille entièrement à la main. Ce qui implique un travail physique pour créer cette matière feutrée qui se lie comme par magie – et beaucoup d’effort – sur de grandes surfaces.
J’ai eu le plaisir infini de rencontrer Aleksandra en 2024 en exposant ensemble à l’occasion du showroom Oh My Laine. C’était l’occasion formidable de découvrir son travail in situ entre plaids et coussins ultra doux ou encore tenture murale texturée… J’ai pu observer combien sa finesse de réalisation n’a d’égal que son talent et la qualité des laines qu’elle utilise.
Des étoffes aussi formidables que la personne qui les réalise : je vous invite à découvrir son parcours et son univers feutré.

Avant toute chose, pourrais-tu te présenter Aleksandra pour celles et ceux qui te découvrent ?
Bonjour Candice, merci beaucoup pour ton invitation. Je suis heureuse de pouvoir présenter mon travail sur ton blog. Je m’appelle Aleksandra Stocka Gacquiere. Je suis feutrière. Je confectionne à la main des étoffes en feutre de laine artisanal.
Je suis née en Pologne. Formée à devenir juriste, je réalise assez rapidement que cette carrière n’est pas du tout ma vocation. En 2015 je décide de suivre mon époux en France, son pays natal, où il s’installe en tant qu’éleveur ovin dans l’Aude. C’est au milieu de nos brebis que naît ma passion pour la laine donnant un tournant à ma carrière. Me voilà les mains dans la laine !


Comment as-tu découvert cette fibre artisanale en toi ?
Comme je l’ai mentionné, c’est grâce à l’élevage de mon époux qu’un lien avec la matière première qu’est la laine apparaît. Inconsciemment peut-être avant. Mon grand-père maternel était tailleur et possédait des mérinos polonais pour commercialiser leur belle laine. Ses confections de qualité me fascinent. Mon grand-père paternel, paysan, fabriquait dans sa jeunesse des chaussons en feutre artisanal.
En fin compte, la laine et l’artisanat font peut-être partie de mon ADN…
Était-ce une évidence de te lancer dans ce domaine ? Pourrais-tu nous partager ton parcours ?
J’ai ouvert mon atelier textile en 2022 suite à une reconversion. La décision n’était pas si évidente. Je ne connaissais pas le milieu de l’artisanat. Sincèrement, je ne pensais pas savoir créer de belles choses. Mon envie principale était de valoriser la laine de nos moutons
Aujourd’hui en Europe, la loi considère la laine comme un déchet. Très peu de la laine française est valorisée. Alors que pour moi, c’est une fibre noble, symbole de qualité. Cela me faisait de la peine de la jeter ou de la brûler. Je dois quand même avouer que l’importance de l’aspect esthétique s’est manifestée rapidement.
Valoriser la laine, oui, mais en créant du beau !

De part ma culture slave, j’ai dans l’idée que les objets possèdent une fonction symbolique, ils ont une âme et font partie d’héritages transmis. Tout cela m’inspire. Je voulais créer des pièces qui laissent une empreinte émotionnelle révélée par la matière.
Beaucoup de questionnement avant de me lancer… Aujourd’hui, je suis très contente d’avoir eu le courage de monter ce projet.
Quelles sont les inspirations pour imaginer tes collections ?
Je pense que tout ce qui nous entoure influence directement notre état d’esprit.
C’est la raison pour laquelle je veux habiller les intérieurs de pièces sensorielles qui apportent bien-être à un espace du quotidien. Je réalise intuitivement chacune des pièces. Dans un esprit épuré, je privilégie une simplicité aux contrastes subtils jouant avec les textures ou motifs répétitifs inspirés par la nature.
Je recherche l’harmonie naturelle entre la sensibilité et la noblesse de ma matière première. Je travaille différentes laines : rustiques, fines et précieuses en y mêlant parfois des fibres telles que la soie, chanvre, lin, ramie afin de créer divers motifs organiques.


Aujourd’hui Atelier O’Laine est ta marque, celle grâce à laquelle tu proposes des objets réalisés entièrement en feutre. Pourrais-tu nous présenter les caractéristiques de ce savoir-faire ?
Le feutrage est une technique ancestrale nomade. Le feutre est un non-tissé composé d’un enchevêtrement de fibres de laine pressées. Les mèches sont posées et pressées à la main les unes contre les autres, puis arrosées d’eau chaude savonneuse. Ensuite, il y a différentes étapes manuelles : massage, roulage et foulage, durant lesquelles les fibres de laine s’entremêlent.
L’intensité et la durée de la friction dé terminent la solidité du feutre. Ce procédé permet d’obtenir une matière textile dense, souple et particulièrement douce. Dans une démarche slow textile, j’ai fait le choix d’un mode de production entièrement artisanal. Ainsi, toutes les étapes de mon travail sont faites entièrement à la main.
Ta technique est singulière car tu feutres très fin, et entièrement à la main ! Il faut une sacrée condition physique pour les grandes pièces sur-mesure ! Quel est ton parcours de création ? Comment imagines-tu une pièce que tu proposeras à tes clients ?
En effet, c’est une technique très physique, un concept qui valorise la création lente, attentive et consciente.
Il s’agit d’un travail manuel qui demande de la patience : rien que pour poser les mèches de laine pour un plaid, il faut 2-3 jours. Ce processus met en valeur l’importance de prendre le temps pour créer, de ne pas le précipiter. Le but est d’apprécier chaque étape, d’avoir une relation respectueuse avec les matériaux. De s’immerger dans une expérience sensorielle.

Pour créer une collection, je prépare d’abord des échantillons. Je confronte les matières : les laines précieuses et rustiques avec les fibres textiles telles que soie, lin, chanvre, soja… Je travaille très intuitivement.
Il m’arrive de faire un croquis mais c’est plutôt rare. La matière dicte mon travail. Je peux imaginer le design mais parfois elle s’oppose, différentes laine ne coopèrent pas comme je le souhaite, il faut donc s’adapter.
Ce cheminement singulier demande un dialogue, un partage avec la fibre et de longues recherches empiriques que j’apprécie particulièrement.
Quel est le meilleur conseil que tu aies jamais reçu ou bien la chose dont tu es la plus fière dans ton parcours ?
J’ai beaucoup échangé avec d’autres sur l’artisanat, sur mon parcours. J’ai eu pas mal de conseils très utiles mais je ne me rappelle pas d’un en particulier. Mais je me souviens d’une phrase que j’ai lu dans un livre qui m’a marquée : Ce que nous savons faire est plus que ce que nous pensons savoir faire.
Cela m’a encouragé à suivre mon intuition au début de mon parcours en tant que feutrière. Je suis malheureusement rarement fière de moi (ha, ha).

Enfin, aurais-tu un prochain projet à nous partager ?
Cette année je me lance dans l’aventure avec le salon Maison&Objet. J’aimerais travailler davantage avec des prescripteurs. C’est une autre démarche que créer pour des particuliers. On verra si je peux avoir ma place dans ce secteur…
Et on ne peut que te le souhaiter avec ton talent et l’âme que tu mets dans tes réalisations Aleksandra : ) Merci !
Vous pouvez suivre les actualités d’Aleksandra sur son site internet, son fil intagram ou bien son facebook.
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Je suis Candice Aubert-Dhô, artisane d’art textile engagée.
Quand je ne réalise pas vos décors sur-mesure, je donne la voix aux artisanes françaises afin de faire connaître les talents proches de chez vous.
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