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pinterest libre argile

Portrait d’artisane : Libre argile

J’ai découvert le travail et l’univers complet d’Elodie à l’occasion des JEMA 2023. Pendant la réunion de présentation et d’organisation de ces trois jours, j’entendais parler des “anses”. “La céramiste des anses”. J’étais intriguée par ce vocable et je me demandais ce que cela pouvait bien être. Elodie serait donc une découverte à faire et je me notais mentalement d’essayer de passer sur son stand autant que faire se peut.

Je n’ai pas été déçue.

J’ai découvert une artisane passionnée, céramiste passionnante, des émaux d’une finesse incroyable travaillés avec soin, en accord avec un art de vivre bien précis. Et bien sûr, ses anses. Elodie pratique la cérémonie du thé avec sérieux et honore ce rituel millénaire en façonnant des théières exceptionnelles, aux anses toutes aussi exceptionnelles. Sa patte est incontestable et inimitable.

C’est depuis son atelier marseillais Degrés Céramique qu’elle a installé sa marque Libre Argile spécialisée dans l’univers du thé : elle y propose cours de façonnage et initiation à cette cérémonie du thé. C’est au cœur de la cité fosséenne qu’elle manie la terre pour notre plus grand ravissement.

Bonne découverte 🙂

portrait libre argile
portrait libre argile

Bonjour Élodie !

Avant toute chose, pourrais-tu te présenter pour celles et ceux qui te découvrent ?

Je suis Élodie, et je viens du monde des arts.

Titulaire d’un Diplôme National d’Arts Plastiques, d’un Master 2 de recherches en études cinématographiques, j’ai travaillé pendant plus de 7 ans à l’Institut Lumière (cinémathèque de Lyon). Après 3 ans de cours de poterie en loisirs, et toute une vie d’attirance pour le travail manuel, j’ai compris que c’était une nécessité d’exercer le métier de céramiste.

En 2020 j’ai commencé une formation continue à l’école de céramique de Provence à Aubagne, et j’ai obtenu mon CAP tournage en céramique en juin 2021.

A partir de là, je suis devenue Libre-Argile à Marseille et j’ai décidé de me spécialiser dans la céramique dédiée à l’usage et la pratique du thé.

service céramique bleue libre argile
service céramique bleue libre argile

Comment as-tu découvert cette fibre artistique et manuelle qui sommeillait en toi ? Comment s’est-elle révélée ?

Elle a toujours été là mais je n’ai jamais osé l’incarner avant mes 30 ans.

J’ai toujours eu les mains dans la terre. Toute petite je passais mes journées à chercher des pierres de toutes les couleurs, des morceaux de quartz dans les champs de maïs, à les trier par catégories, à les collectionner. J’aimais aussi fabriquer mon propre maquillage en réduisant en poudre des cailloux (ne faites pas ça, je pense que ce n’est pas une bonne idée étant donné la composition des minéraux, mais je devais avoir 7/8 ans et je ne le savais pas !).

Je jouais avec la terre de mon jardin et je fabriquais des poteries que je laissais sécher et que je recouvrais de vernis à ongle transparent. Je dessinais beaucoup aussi.

Mais je n’ai jamais pensé à la poterie jusqu’en 2018 où une amie m’a offert un cours pour mon anniversaire. Et là je suis tombée en amour pour cette pratique. Lorsque j’ai réalisé que l’argile était une terre minérale, cela a fait un court-circuit dans ma tête : la boucle était bouclée.

Toute ma vie j’ai été attiré par le monde minéral et la poterie n’en est que le continuum

Bols thé lotus libre argile
bols thé lotus libre argile


Aujourd’hui Libre Argile est ta marque de fabrique : qu’est-ce qui t’attire le plus dans ce domaine de la céramique ? Comment l’as-tu découvert ?

Libre-Argile a une identité tournée vers le monde du thé. J’ai décidé de choisir cette voie lorsque l’on nous a montré comment fabriquer les théières à l’école. J’ai trouvé le processus de fabrication de la théière très complet et très complexe, et cela m’a immédiatement attirée.

J’ai aussi toujours aimé le thé depuis mon adolescence. J’ai alors cherché un stage avec un céramiste de thé. J’en ai trouvé un à Vichy, avec Jé le Potier, qui m’a transmis tout son savoir sur la théière.

A partir de là, mon projet était clair. J’ai ensuite rencontré pas mal de personnes dans le domaine du thé à Marseille, ce qui m’a permis de m’améliorer dans la fabrication de mes pièces. 

Ce que je préfère le plus dans mon métier, c’est de fabriquer des théières et de leur donner des anses extravagantes. Puis vient ensuite la recherche d’émaux haute température. J’adore cette partie de mon travail qui consiste à faire des calculs molaires à partir des diagrammes de Daniel de Montmollin et de faire de la chimie avec les différentes matières premières que constitue un émail

théière verte céramique
théière verte céramique

Pourrais-tu nous parler de tes inspirations ? On constate rapidement que tu as une attirance particulière pour la cérémonie du thé

Je pratique la cérémonie Chanoyu avec une maître de thé à Marseille.

Cela me permet de comprendre la forme du bol à matcha et son histoire. Ce n’est pas un simple bol, il y a pas mal de spécificités à connaître selon la saison par exemple… Je prends aussi des cours d’histoire du thé à l’Université du temps libre avec ma professeure de thé Sylvie. Nous avons monté tout un programme ensemble, d’ateliers autour du thé et de la céramique.

Je suis également très inspirée par les théières de Yixing. Yixing est la capitale de la théière en Chine. C’est une région riche en grès de différentes couleurs et les théières de Yixing sont des œuvres d’art depuis des centaines d’années. J’ai rencontré Patrice Valfré qui en est devenu le spécialiste. Il a écrit un livre très intéressant à ce sujet qui est une source d’inspirations pour moi : Yixing Teapots for Europe.

Libre argile céramiste marseille
Libre argile céramiste marseille
tasse et théières libre argile marseille
tasse et théières libre argile marseille


Comment se passe ton parcours créatif : comment sélectionnes-tu les différents émaux que tu utilises par exemple ? Pourrais-tu nous parler de ta démarche en ce qui concerne tes incroyables anses de théières ?

Pour les émaux, je les fabrique tous moi-même.

Cela passe par une longue période de recherche (plusieurs mois de tests), je les choisis en fonction de la texture que je souhaite, puis de la couleur. Mais surtout en fonction de leur alimentarité. Il y a des normes à respecter, on ne met pas n’importe quel oxyde en n’importe quelle quantité dans ses émaux. Je ne suis pas une experte, mais j’essaye de respecter les taux autorisés. Cette part de mon travail représente la moitié de mon temps. 

Pour les anses, c’est vraiment ce que j’aime faire.

Jouer avec les anses mais garder l’aspect utilitaire de la théière en tête. Trouver le juste milieu entre l’aspect pratique et l’aspect artistique. Parfois je fais des croquis en amont, et parfois j’improvise. Lorsque je fabrique une théière extravagante, je fais toujours une grande quantité de anses, au cas où… Puis j’assemble les anses jusqu’à ce que je sois satisfaite de l’harmonie de la pièce. Je m’inspire un peu des courbes du mouvement Art Nouveau, avec les entrelacs. Ensuite, il y a un long travail de séchage pour éviter les fissures. Tout doit sécher à la même vitesse.

Cela prend une semaine environ pour être sûr que le séchage soit lent et homogène.

Libre argile céramique marseille
Libre argile céramique marseille


Quel est le meilleur conseil que tu aies jamais reçu et que tu transmettrais volontiers à celles & ceux qui nous lisent ?

Faites une formation par an pour continuer de progresser.
Les formations peuvent être financées par le dispositif FAFCEA si vous êtes inscrits à la Chambre des métiers et de l’artisanat. 
Et les conseils que je peux donner : 

  • Si vous faites des marchés, faites des marchés de potier, et non des marchés de créateurs. 
  • Ayez une discipline de fer pour avancer dans le développement de votre activité. 
  • Ressourcez-vous régulièrement, car si vous êtes épuisé.e.s, personne ne pourra vous remplacer.
  • Soyez un patron clément envers vous-même. 
  • Formez-vous sur les prix de vente. Ne sous-estimez pas votre travail. 
  • Apprenez à ne pas écouter votre syndrome de l’imposteur.
  • Si vous êtes là où vous êtes aujourd’hui c’est parce que vous vous en êtes donné les moyens. 

Et surtout : “Un échec est une réussite qui se fait désirer” (Daniel de Montmollin)

théière céramique marseille
théière céramique marseille

Avec ton expérience passée, quelle est la chose dont tu es la plus fière ?

Je n’ai pas beaucoup d’expérience, mais si je dois être fière d’une chose, c’est d’avoir un atelier qui tourne bien aujourd’hui.
Les potiers à leur compte le savent, c’est un métier très instable financièrement, et ça met à rude épreuve le sentiment de sécurité. Ce qui est incroyable, c’est que malgré cette instabilité, il se passe toujours quelque chose qui fait que j’arrive à m’y retrouver financièrement. C’est une grande fierté. Surtout avec la conjoncture actuelle. Ce n’est pas facile, car je n’ai pas de salaire fixe et le droit à aucune aide.

Selon moi les artisan.e.s indépendant.e.s sont complètement oublié.e.s dans notre modèle de société. Alors que nous sommes créat.eur.rices d’emplois et que nous faisons perdurer un art millénaire. Nous devrions être mis en avant et nous sentir soutenus. Mais c’est plutôt l’inverse que je ressens. Heureusement on est un bon réseau et on peut facilement communiquer ensemble pour partager nos solutions.

Enfin, aurais-tu un prochain projet à nous partager ?

Je n’ai pas de projets particuliers.

Je vais participer à la prochaine biennale internationale de céramique qui se tiendra à Aubagne les 12 et 13 août 2023. 
Je suis très heureuse de participer à cet événement unique autour de la céramique. Je vous invite à découvrir Aubagne complètement transformée en marché de potiers ! 

Grand merci pour tes réponses Élodie, et à très bientôt !

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tasse céramique saké
tasse céramique saké

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